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Mohamed Ben Brahem : Le décret-loi relatif à la lutte contre la spéculation illicite heurte plusieurs principes du droit pénal

today25/03/2022 94

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“L’application des décrets-lois respectivement relatifs à la lutte contre la spéculation illicite, aux entreprises citoyennes et à la réconciliation pénale, sera difficile pour les juges et les avocats, et même pour les universitaires qui vont les enseigner aux étudiants”, a indiqué maître Mohamed Ben Brahem, avocat spécialiste en droit commercial, lors de sa présence, ce vendredi 25 mars 2022, dans l’émission Expresso

La publication de ces décrets-lois était tant attendue par les experts et le peuple tunisien pour découvrir la vision économique du président Saied, qui détient aujourd’hui le pouvoir législatif en tant qu’ unique et seul législateur durant la période de l’état d’exception.

Le décret-loi relatif à la lutte contre la spéculation illicite heurte le principe de personnalité des peines

L’invité de Wassim Bel Arbi a abordé en premier lieu le décret-loi relatif à la lutte contre la spéculation illicite. Il a indiqué qu’il prévoit des principes qui contredisent la loi pénale. On peut même affirmer que ce décret-loi a basculé les principes du droit pénal. D’ailleurs, les dispositions dudit décret s’appliquent à tous les responsables de l’entreprise accusée de spéculation, même si les preuves ont prouvé que ce responsable n’est pas impliqué dans ces pratiques de spéculation. Cela contredit, selon ses dires, le principe de personnalité des peines.

En plus, ces peines sont relativement disproportionnées avec la gravité de l’acte, d’après notre invité, outre les lacunes de ce texte et son élargissement des prérogatives de la police judiciaire.

Des notions floues et équivoques qui portent atteinte aux droits et libertés

Selon lui, ce décret est assez flou et comporte des notions très larges et imprécises. Les opérations de saisie sont effectuées pour le compte de l’Etat et précédant les décisions judiciaires. Le gérant, une fois innocenté, peut réclamer la récupération des produits saisis. Le décret ne prévoit pas si les opérations de récupération desdits produits et leur valeur feront l’objet d’une évaluation préalable par des experts.

Dans le même registre, il a ajouté que ce décret-loi relatif à la lutte contre la spéculation illicite a élargi l’étendue de la pénalisation des actes en question en incriminant même celui qui détient ces produits dans l’intention de les faire passer en contrebande. 

Encore faut-il s’interroger, selon notre invité, sur l’appréciation de cette intention chez celui qui détient des produits dans des entrepôts ou camions, appelant à éviter ces notions équivoques dans la rédaction des dispositions pénales, car elles peuvent porter atteinte aux droits et libertés des citoyens.

“Des injustices seront commises au nom de la lutte contre la spéculation et en se fondant sur des notions larges et équivoques”, prévient Mohamed Ben Brahem.

Le décret-loi relatif à la lutte contre la spéculation remet en cause la présomption d’innocence

L’invité de l’émission Expresso a fait remarquer que le décret-loi relatif à la lutte contre la spéculation n’a pas prévu de nouveaux mécanismes à cet effet et a repris des anciennes mesures tout en élargissant l’étendue des prérogatives de la police judiciaire et en durcissant les peines.

Il a signalé que la preuve se rattache auparavant à l’acte criminel. Aujourd’hui, c’est la présomption d’innocence qui est remise en cause par ce décret.

Certes, la lutte contre la spéculation s’impose. Reste qu’il aurait fallu consulter les juristes et les experts du domaine avant de publier ce décret.

Écrit par: Islam Sassi



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