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La Banque centrale de Tunisie (BCT) vit un mois aussi crucial que tourmenté. Objet d’un projet d’amendement partiel de son statut, la BCT changera, au cours de ce mois, de pilote.
En effet, le mandat de l’actuel gouverneur de la BCT, Marouane Abassi, arrivera à son terme le 17 février courant. Abassi, qui a succédé à feu Chedly Ayari en février 2018, ne sera rassemblement pas reconduit à la tête de l’institution monétaire.
L’actuel gouverneur de la BCT, Marouane Aabassi, a été écarté de la délégation tunisienne qui s’est rendue au Forum économique mondial de Davos. Une première depuis sa nomination.
Cette absence du dirigeant considéré comme le chef de file des négociations tunisienne avec le FMI a nourri les spéculations et a laissé présager un éventuel départ de Marouane Abassi. En tout cas, c’est ainsi que les experts économiques ont décrypté cette exclusion.
Abassi ne fait pas l’unanimité, surtout à Carthage. Le 8 septembre 2023, le président de la République, Kaïs Saïed, avait effectué une visite surprise au siège de la Banque centrale de Tunisie.
Le chef de l’Etat n’a pas manqué de « critiquer » le rôle de la commission des analyses financières, notamment en ce qui concerne le dossier des biens spoliés et détournés vers l’étranger. Il a également insisté, lors de son entretien avec la vice-gouverneur, Nadia Hamha, sur la « nécessité de faire la distinction entre l’autonomie et l’indépendance de la BCT ».
Kais Saied avait appelé à une restructuration de la BCT, assurant que « certaines directions sont de trop et constituent une dilapidation des deniers publics ».
Affirmant que l’ancien statut de la BCT de 1958 « était bien meilleur que le statut actuel, sur plusieurs points », Saied avait appelé à une « meilleure harmonie entre les différentes directions de la Banque centrale, mais aussi avec les lois de l’État ».
Le président de la République avait déclaré que « l’autonomie de la Banque centrale ne veut pas dire son indépendance de l’État. L’autonomie est en rapport avec les politiques monétaires, mais cela ne peut être valable pour le budget de l’État », affirmant qu’il est « absurde que l’État ait recours aux banques commerciales pour emprunter, avec des intérêts au détriment du citoyen ».
Autre point de discorde entre Marouane Abassi et le pouvoir en place, la relation avec le Fond monétaire international (FMI).
En effet, Abassi qualifiait de « signal positif » la visite qui était prévue d’une délégation du Fonds monétaire international (FMI) en Tunisie du 5 au 17 décembre 2023. Il s’agissait d’une mission de consultation, dans le cadre de l’article IV du FMI, pour examiner les performances économiques de la Tunisie, en vue de reconduire l’accord entre les deux parties.
Abassi avait qualifié cette mission, dans une déclaration à l’agence TAP, de « signe de rétablissement de la relation entre la Tunisie et le bailleur de fonds ».
Le gouverneur de la BCT avait également affirmé que les réformes discutées avec le FMI « avaient été réalisées et mises en œuvre dans le cadre de la loi de finances pour l’année 2023 », citant à titre d’exemple la révision à la hausse de la TVA pour les professions libérales.
Cependant, Kais Saied avait décidé de faire reporter la visite à une date ultérieure.
Le président de la République avait déjà affirmé, en marge de la commémoration du 23e anniversaire du décès de l’ancien président feu Habib Bourguiba, le 6 avril 2023, que « les diktats du FMI, qui engendrent davantage d’appauvrissement, sont inacceptables », indiquant que « l’alternative consiste à compter sur nous-mêmes ».
Et d’ajouter : « il faut trouver d’autres alternatives, car la paix sociale n’est pas un jeu et ne peut être prise à la légère ».
La fin de mandat de Marouane Abassi intervient dans un moment crucial pour la BCT.
En effet, la commission des finances et du budget relevant de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) examine actuellement un projet de loi autorisant la BCT à accorder des facilités au Trésor public.
Le projet de loi, adopté par un conseil ministériel tenu, le 25 janvier 2024, autorise exceptionnellement la BCT à accorder des facilités au Trésor public tunisien de l’ordre de 7000 Millions de dinars remboursables sur 10 ans avec une période de grâce de trois ans et sans intérêts.
Cet amendement divise les experts économiques, notamment en ce qui concerne son impact sur l’inflation et la valeur du dinar. Certains estiment que les répercussions seront néfastes, alors que d’autres considèrent qu’autoriser la Banque Centrale de Tunisie à financer directement le trésor public n’aggravera pas l’inflation.
Autant la nomination du gouverneur de la BCT était clarifiée dans la Constitution de 2014, autant elle consiste un casse-tête depuis la publication de la Constitution de 2022.
En effet, et selon la Constitution de 2014, le gouverneur de la Banque centrale est nommé, selon l’article 78, par le président de la République, par voie de décret présidentiel. La nomination se fait sur proposition du chef du gouvernement et après approbation de la majorité absolue des membres de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Cependant, la Constitution de 2022 n’évoque pas les modalités de la nomination du gouverneur de la Banque centrale. Le sujet ne figure tout bonnement pas dans la Constitution.
Tout porte à croire que le chef de l’Etat ne procèdera pas à une reconduction de Marouane Abassi à la tête de la BCT, bien que nombre d’experts économiques ne cessent de le réclamer. Ils estiment que Abassi reste le plus apte à conduire les négociations avec le FMI.
Certes, le chef de l’Etat est imprévisible quant aux nominations. Il a toujours fait appel, depuis son élection à Carthage, à des responsables inconnus au grand public. Mais, selon des sources bien informées, deux personnes sont encore en lice pour le poste du gouverneur de la BCT et figurent sur la short list. Il s’agit de Mohamed Ridha Chalghoum et Wajdi Koubâa.
Ridha Chalghoum était conseiller auprès du président de la République Béji Caïd Essebsi chargé du suivi des réformes économiques. En 2017, il est nommé directeur de cabinet du chef du gouvernement Youssef Chahed. La même année il est devenu ministre des Finances pour la seconde fois.
En 2019, il était désigné ministre du Développement et de la Coopération internationale par intérim, avant d’être nommée, en 2021, directeur général de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG).
De son côté, Wajdi Koubâa s’est distingué dans le milieu bancaire en France, avant d’être nommé DGA puis DG de la BTK. En 2023, il a été nommé DG de BH Bank.
Written by: Meher Kacem