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Raoudha Grafi : La situation de la justice tunisienne, plus que jamais préoccupante après la révocation injuste de 57 magistrats

today08/06/2022 31

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La présidente d’honneur de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), Raoudha Grafi, a dénoncé la révocation de 57 magistrats par le président de la République, Kais Saied, considérant que cette décision est sans première dans l’histoire de la magistrature tunisienne, et qu’aucun responsable n’a osé prendre de pareilles mesures contre les juges, insinuant qu’il tentait d’éradiquer la justice en Tunisie.

“C’est la justice du ministère de l’intérieur. Le sort du juge dépend désormais du rapport d’inspection et le président Saied s’est octroyé le pouvoir de révoquer expressément et publiquement les juges”, déplore Grafi.

Lors de sa présence dans l’émission Hdith Esse3a, elle a estimé que la ministre de la justice aurait pu suivre la démarche disciplinaire et juridique habituelle. Mais, le président Saired dispose, semble-t-il, d’un Conseil de justice qui lui est propre.

En ses termes, de nombreux magistrats ont été justement limogés à cause de leur indépendance, puisque Saied voudrait les remplacer par des juges qui obéissent à ses ordres et suivent ses consignes.

Au demeurant, cette révocation s’est accompagnée d’une disposition privant les magistrats à la justice et de se défendre. Encore une décision qui vise à dissuader les juges limogés de réagir et à terroriser les autres.

Pour elle, la révocation de 57 juges constitue un coup dur pour la justice, les juges et le pays plus généralement, rappelant qu’il convient de poursuivre les magistrats corrompus pour peu qu’ils puissent se défendre et recourir à la justice.

« L’après-25 juillet est une phase politique par excellence. Le président Saied n’hésite pas à exprimer son mécontentement et sa colère concernant la non-émission de mandat de dépôt dans plusieurs affaires. Il n’hésite pas non plus à  donner des ordres aux juges qu’il reçoit à Carthage”, a-t-il révélé.

Par ailleurs, et dans la même ligne d’idée, Grafi a souligné que le président veut s’emparer du ministère public qui n’est que le noyau dur des droits et libertés en Tunisie.

Déjà, Saied exerce une pression sur les juges qui statuent sur des dossiers sensibles comme celui de l’appareil secret pour qu’ils émettent des mandats de dépôts contre ses ennemis, afin de les liquider politiquement.

Et d’ajouter que 45 juges parmi les 57 révoqués ont été limogés sans qu’ils ne fassent l’objet de poursuites ou accusés à cet effet. 

Au sujet de la fuite de deux dossiers de magistrates révoquées, la présidente de l’AMT a considéré qu’il s’agit d’une grave escalade et d’un acte dangereux dans la mesure où les dossiers médicaux des juges sont aujourd’hui publiés et médiatisés!

L’invitée de l’émission Hdith Esse3a a fait remarquer que la voie des abus sera grande ouverte si les juges deviennent des fidèles serviteurs du président Saied.

Elle a considéré que le ministre de l’intérieur et la ministre de la justice doivent assumer leur responsabilité dans l’affaire de fuite des dossiers médicaux des magistrats limogés.

“Aujourd’hui, les magistrats souffrent le martyre. Ils sont terrorisés, horrifiés, et menacés de révocation s’ils tentent de toucher à l’intérêt suprême du pays tel que l’avait imaginé le président Kais Saied”, se désole Raoudha Grafi.

Et de poursuivre : “Je serais bientôt révoquée, avec tout le corps des magistrats qui ont resserré les rangs face aux décisions injustes du président Saied”.

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Écrit par: Islam Sassi



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