A la une

Intégration du secteur informel: chiffres alarmants, amalgames et législations obsolètes

today05/01/2024 39

Background
share close

Bader Smaoui, expert en affaires sociales est revenu sur l’intégration du secteur informel et les lacunes structurelles et législatives qui empêchent la Tunisie d’y arriver.

Il affirmé, au micro d’Ecomag, ce vendredi 5 janvier 2024, qu’il ne faut pas incriminer les personnes ayant recours au travail informel, parce qu’ils « n’ont pas pu faire autrement », appelant l’Etat à opérer pour les intégrer dans le système fiscal et la sécurité sociale.

Expliquant que ce phénomène n’est pas propre à notre pays, il a fait savoir qu’il a pris de l’ampleur en Tunisie ces dernières années. Dans ce cadre, il a estimé qu’il s’agit d’une « manifestation des difficultés économiques ».

Amalgame entre travail informel et contrebande

Il a précisé que le travail informel existe même dans le secteur formel, citant un rapport du CNSS sur les cafés, salons de thé et restaurants basés sur le Grand-Tunis, paru en 2015, dans lequel la caisse a recensé un seul employeur adhérent sur quatre et un seul employé déclaré sur six.

« Ce phénomène crée des problèmes au secteur entièrement formel, puisque le manque de souci de l’application de la loi et de l’intégration des travailleurs dans l’informel pousse petit à petit le secteur formel à l’illégalité à cause de la concurrence déloyale », a-t-il estimé.

Le secteur informel gagne du terrain

Pour ce qui est des statistiques concernant la portée du travail informel en Tunisie, Smaoui a indiqué que les chiffres font part de 50% en 2020, puis 56% en 2022 et ensuite 62% en 2023 : « il faut tirer la sonnette d’alarme pour éviter plus de gonflement du secteur informel ».

Il a affirmé que le secteur informel participe au PIB à hauteur de 27%, mettant l’accent sur l’existence d’un amalgame entre le travail informel et la contrebande.

Des législations obsolètes

Par ailleurs, il a indiqué que si la législation ne prend pas en compte la réalité des choses, elle sera inapplicable : « malheureusement, les législations en vigueur n’ont pas su régler le problème et pousser les travailleurs informels à vouloir, eux-mêmes, adhérer au secteur formel en garantissant un équilibre entre les cotisations et les avantages ».

« Il s’agit d’un calcul mathématique basé sur la solidarité. Les concernés doivent comprendre qu’ils peuvent cotiser pendant 10 ans sans tomber malades, alors que d’autres peuvent bénéficier de la sécurité sociale dès le premier mois », a-t-il expliqué, précisant que « tout est une question de confiance entre le citoyen et l’administration ».

Samoui a également affirmé que la législation doit être « flexible » pour prendre en compte toutes les particularités et garantir la fourniture de services, d’où « l’importance d’une sécurité sociale exhaustive ».

Quant aux mesures prises par l’Etat pour résoudre ce problème, Samoui a fait référence à l’article 42 de la loi des finances 2019, incitant les travailleurs qui ne disposent pas d’un revenu stable à adhérer au système fiscal et à la sécurité sociale.

Article 42 Intégration du secteur informel: chiffres alarmants, amalgames et législations obsolètes

Dans ce cadre, il a expliqué que la loi a exigé la publication d’un décret pour l’appliquer : « le décret n’est paru qu’en janvier 2020, un an après la promulgation de la loi, alors qu’il fallait le publier immédiatement dans le JORT avec la loi en question ».

Quant au contenu de la loi, il a estimé qu’il renferme des lacunes et qu’il n’était pas encourageant : « pour ce qui est de l’adhésion à l’assurance maladie, les concernés par cette loi doivent cotiser 6,75% comme tout le monde, mais n’ont le droit qu’au régime de base dans les établissements publics ».

Accentuer les efforts sur l’incitation à l’adhésion à la sécurité sociale

Il a également fait savoir que « jusqu’à aujourd’hui, il n’existe aucun chiffre officiel et aucune donnée sur l’avancement de l’application de l’article 42 de la LF 2019 ».

Partant de l’hypothèse que ce silence est un signe de l’échec de la mesure, Smaoui a indiqué que ceci renvoie à deux suppositions : « soit, on n’a pas communiqué suffisamment pour faire connaitre ces mesures, soit les concernés n’en étaient pas convaincus ».

Il a estimé qu’il faut d’abord accentuer les efforts sur l’incitation à l’adhésion à la sécurité sociale, puis travailler sur l’adhésion au système fiscal : « c’est toujours mieux qu’un échec total de l’opération ».

Régime des autoentrepreneurs : pas de textes réglementaires !

Il a également évoqué le décret-loi n° 2020-33 du 10 juin 2020 qui dispose le régime pour les autoentrepreneurs. Il s’agit d’un régime simplifié de l’entreprise individuelle permettant de faciliter la création d’une entité à but lucratif et de bénéficier de démarches administratives et de procédures fiscales et sociales simplifiées.

Toute personne physique, de nationalité tunisienne, exerçant individuellement dans le secteur industriel, commercial, agricole, des services, de l’artisanat ou des métiers dont le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas les 75 mille dinars, peut bénéficier de ce régime.

Dans ce cadre, il a affirmé que ce texte n’annule ni ne remplace les textes antérieurs, mais a juste élargi les bénéficiaires et fixé un plafond pour le chiffre d’affaires. En revanche, ce régime a révisé les régimes proposés pour l’adhésion à la sécurité sociale : « fondamentalement, il n’y a aucune différence entre ce texte et les textes précédents ».

Smaoui a estimé que le problème le plus important qui a entravé la mise en œuvre de ce décret réside dans ses deux textes réglementaires. Le premier, relatif à la liste des activités dans ce domaine n’est pas paru. Le second, relatif à la création d’une plateforme électronique n’est pas paru non plus » !

Il a également mis l’accent sur le manque de coordination « flagrant » entre les différentes parties prenantes et l’absence d’une politique cohérente concernant la question du travail informel: « il faut qu’il y est une politique nationale »

 

 

Written by: Meher Kacem



Podcasts

Sorry, there is nothing for the moment.
Logo Express FM
0%