Express Radio Le programme encours
L’expert en risques financiers, Mourad Hattab, a affirmé que la promotion de la Tunisie en tant que destination d’investissement, ne nécessite pas une multiplication des agences spécialisées, mais repose plutôt sur l’existence d’une base de données fiable qui peut se concrétiser sous la forme d’un pôle d’investissement.
Dans un entretien accordé à l’Agence Tunis Afrique Presse (TAP), Hattab a indiqué que le moment est aujourd’hui opportun pour proposer des opportunités ayant une valeur économique susceptibles de convaincre les investisseurs et de répondre à leurs objectifs et attentes.
Actuellement, la Tunisie est en pleine réflexion concernant l’efficacité de la multiplication des structures de promotion de l’investissement local, et surtout étranger, notamment avec l’existence de près de cinq agences spécialisées dans l’attraction et la gestion des investissements, alors que le dispositif d’investissement reste limité et plusieurs projets stratégiques demeurent toujours bloqués.
Le président de la République, Kaïs Saïed, a récemment rappelé que dans certains pays, il n’existe qu’une seule et unique partie chargée de l’investissement, alors qu’en Tunisie, il existe un Conseil supérieur de l’investissement, une Instance tunisienne de l’investissement et un Fonds tunisien de l’investissement.
« Il existe des agences pour l’investissement extérieur, pour l’investissement agricole, pour la promotion des exportations, pour la promotion des investissements industriels, et aussi pour la promotion de l’industrie et de l’innovation, alors que certains continuent d’appeler à la création d’une nouvelle agence ou instance », a noté le chef de l’Etat.
L’approche ne repose pas sur la création d’une nouvelle agence, mais plutôt sur la restructuration du paysage par la création d’un pôle d’investissement reposant sur une réexploitation des ressources humaines et logistiques existantes, selon une nouvelle approche, en adéquation avec les évolutions que connaît la Tunisie et le flux des investissements internationaux.
Selon Hattab, les différents secteurs économiques en Tunisie qui offrent des opportunités de développement importantes, nécessitent une organisation ciblée et favorable à la promotion du développement durable aux niveaux régional, local et urbain.
Ainsi, la réalisation de ces objectifs reste tributaire de la création d’un pôle d’investissement complémentaire, permettant d’atteindre l’efficacité au niveau des opérations de création de projets.
Et de poursuivre que ce pôle permettra d’unifier les mesures et de garantir la coordination entre les autorités de référence, afin d’éviter d’éparpiller les efforts des investisseurs et leurs intérêts.
Pour Hattab, le regroupement de ces entreprises et des structures chargées d’octroi de l’investissement intervenantes dans cette plateforme ( l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation, l’Agence de Promotion de l’Investissement Extérieur, l’Agence de promotion de l’investissement étranger, l’Instance tunisienne de l’investissement (TIA), l’Agence de promotion des investissements agricoles (APIA)), dans un seul pole chargé de l’investissement est une question vitale et indispensable.
S’agissant des recettes financières pour la création de ce pôle, le spécialiste dans les risques financiers a souligné que la création d’un pôle unique d’investissement nécessite une enveloppe financière importante. Ce pôle permettra d’une part, d’alléger les charges nécessaires pour la gestion de plusieurs structures chargées de l’investissement, et de développer les flux d’investissement, et d’autre part, de simplifier les opérations de création de projets bloqués à cause de la pluralité des intervenants et de l’absence de coordination.
Il a relevé que l’opération de création d’un pôle d’investissement unifié permettra d’assurer une harmonie entre les compétences actives actuellement au sein des structures chargées d’octroi d’investissement.
Cette démarche exige une restructuration profonde des services d’appui et d’encadrement dans le cadre de l’unification des processus de travail et de la baisse du nombre des intervenants, à travers la mise en place de la plateforme de l’interlocuteur unique des investisseurs.
Il est important de créer une plateforme électronique unique pour l’accompagnement et l’encadrement, en œuvrant à réduire l’utilisation des documents, en plus de la mise en place d’une banque de données permettant de préparer des études de marché, en tenant compte des spécificités des régions et des secteurs, ainsi que des types d’entreprises.
Il s’agit également de ne pas distinguer entre les promoteurs des projets (les initiatives privées ou les groupements économiques et les sociétés).
Cette démarche vise principalement, à mettre en place des processus numériques qui limitent l’intervention humaine dans le traitement des dossiers d’investissement pour garantir la transparence et la bonne gouvernance, et ce en œuvrant à obtenir des certificats conformes aux normes, en vigueur à l’échelle mondiale.
Pour Hattab la mobilisation de financements et d’investissements sur le long terme nécessite une grande expérience et des efforts de réseautage pour restaurer la confiance des investisseurs, ajoutant que la réussite de cette expérience reste tributaire de la qualité des projets soumis et la gestion des programmes pour répondre aux attentes et besoins des partenaires.
Au sujet de la gouvernance du pôle, l’expert a souligné qu’elle devrait reposer sur la transparence et l’expertise et comporter un conseil d’administration composé de représentants du gouvernement et des grands acteurs économiques.
Il (pole) se chargera de la supervision de la stratégie globale, de l’approbation des projets et de l’intégration de tous les objectifs de développements durable dans toutes les initiatives.
Et d’ajouter que la direction exécutive devrait comprendre un personnel qualifié dans la gestion des projets, du financement et du développement économique.
Hattab a mis l’accent également sur la nécessité de mettre en place un système robuste de suivi et d’évaluation basé sur des indicateurs de performance clair, permettant de mesurer l’impact des investissements et garantir l’amélioration continue.
Concernant le rôle de cette structure à l’extérieur du pays, l’expert a souligné que le pôle devra mettre en place des représentations à l’étranger afin de commercialiser les opportunités d’investissement. Il a souligné que la promotion de l’investissement est primordiale dans l’attrait des financements.
Selon l’expert, les agences d’investissement en Tunisie (FIPA, CEPEX, APIA, TIA..) s’attèlent à réaliser les mêmes projets et à produire les mêmes données publiées par chaque structures selon sa spécialité. En effet, la Tunisie est parvenue, au cours des neufs premiers mois de l’année 2024, à attirer des investissements étrangers, d’une valeur de 2125,9 millions de dinars (MD).
Selon les données de l’Agence de promotion de l’investissement Extérieur (FIPA), les investissements étrangers ont augmenté de 14,4 % par rapport à la même période de l’année précédente au cours de laquelle la Tunisie a attiré des investissements étrangers d’un montant de 1858 MD.
Le Centre de promotion des exportations de la (CEPEX), prévoit d’organiser pour l’année 2025 un calendrier de 66 actions promotionnelles, réparties entre 24 participations tunisiennes à des foires et salons internationaux et 42 opérations promotionnelles (missions d’hommes d’affaires, rencontres professionnelles….), a fait savoir le PDG du CEPEX, Mourad Ben Hassine.
Pour sa part, l’Agence de Promotion des Investissements Agricoles (APIA) a indiqué que les investissements agricoles privés approuvés se sont élevés à 2 346 opérations d’investissement d’une valeur de 334,4 millions de dinars (MD), au cours des 11premiers mois de l’année 2024, enregistrant une baisse de 3,9% en nombre et de 12,8% en valeur.
Dans ce contexte, l’Instance Tunisienne de l’Investissement (TIA) avait annoncé, en novembre 2024, le lancement officiel du projet de développement de la plateforme Nationale de l’investissement, un projet qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de digitalisation et de la simplification des procédures administratives.
Lors d’une réunion tenue le 15 janvier 2025, le ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Abdelhafidh a souligné l’importance du Fonds Tunisien de l’Investissement pour soutenir l’effort national en matière de développement et d’investissement, notamment pour la création de projets.
L’Etat a alloué, selon le projet de budget de l’Etat pour l’année 2024, une enveloppe de 70,7 millions de dinars au profit du Fonds Tunisien de l’Investissement pour soutenir les projets d’Intérêt National.
Ces chiffres réalisés par les instances et les structures nationale sont soutenus par d’autres indicateurs publiés par plusieurs organismes internationaux, comme la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) qui a confirmé dans un rapport publié le 20 juin 2024 que les flux des investissements étrangers directs vers la Tunisie a atteint environ 768 millions de dollars en 2023, contre 714 millions de dollars en 2022, soit une évolution de 7,5 %.
Hattab a souligné que ces chiffres enregistrés en matière d’investissement étranger, ne cachent pas le fait que la Tunisie a besoin de simplifier et de faciliter davantage les procédures pour attirer les investissements étrangers, à travers une révision de la loi sur le partenariat public-privé (PPP) afin de lui confier un rôle social plus large selon les nouvelles orientations de l’Etat. Et de conclure : «Un ensemble de projets stratégiques est encore en attente, dont le plus important est le port en eau profonde d’Enfidha.
La Commission des projets publics, rappelle encore Hattab, a entamé l’examen de plusieurs projets stratégiques, tels que la Plateforme des marchés de production du Centre.
TAP
Written by: Meher Kacem