Express Radio Le programme encours
Nous croyions nous en être débarrassés. Mais nous avons crié victoire un peu trop tôt! Le Coronavirus se propage parmi nous à une vitesse éclair! Au mois de mars dernier, nous faisions des scores nous conférant de fières allures au milieu de nos pairs : très peu de cas de contamination et peu encore de décès. Un bon élève dira-t-on. Aujourd’hui, nous avons renversé la vapeur dans une connotation négative. En effet, nous enregistrons en moyenne entre 800 et 1000 cas de Covid-19 positif chaque jour, voire plus. Le compteur des décès commence, quant à lui, à s’affoler un peu. Les experts en épidémiologie et autres gens du métier de la haute médecine se ruent sur les podiums, les plateaux télé et radio, ainsi que les réseaux sociaux, tirant la sonnette d’alarme et nous prévoyant d’un éventuel “tsunami”. Rien que cela! Pour autant, et en dépit de cette folle course contre la montre pour freiner un virus malin, le peuple tunisien n’en a presque, cure! Nisaf Ben Alaya, porte-parole du ministère de la Santé publique déclare moins de 10% de personnes portent un masque. Une véritable cacophonie règne un peu partout, et l’heure est à la discipline, à la fluidité de communication et à la transparence.
C’est toi, non c’est toi !
Et chacun de lancer la balle à l’autre. Le gouvernement se défait de quelques chaînes de responsabilité, montrant du doigt un comportement non consciencieux et incivique du citoyen. Il refuse de se plier à l’application des gestes barrières. Pourtant, ce ne sont pas les compagnes de sensibilisation qui manquent et l’on aura tout essayé…ou presque, au niveau des structures publiques. D’abord, il était question de s’adresser à un peuple consciencieux, pleinement. Ensuite, l’on a décidé de changer de fusil d’épaule et de jouer la carte de la peur. Bouuuh ! Un peu moyenâgeux comme stratégie, nous le concevons ! C’est à l’image de cette mère qui, dans un premier temps, fait prévaloir la raison en essayant de discipliner son enfant. Elle fait étal d’arguments et autres traits de conviction. Puis, ne faisant pas mouche, elle passe dans un deuxième temps à la tactique de la peur! Le mot est passé : adopter une communication, à quelques endroits, anxiogène. Une communication qui aura l’effet d’une gifle et fera ainsi secouer le peuple, lui faire entendre raison et prendre conscience du danger imminent.
Dangereux, pas dangereux,…
De nombreux experts du domaine se sont défilés dans les différents médias, criant à la catastrophe, au chaos, au “on va tous mourir”! Dans le même temps, d’autres experts apporteront de l’eau dans le gaz, modérant ces propos fortement alarmistes. Ils diront qu’il n’y a pas lieu de prendre peur, de céder à la panique, le Covid-19 n’est pas aussi meurtrier et dangereux qu’il en a l’air. Entre les deux échos, totalement à l’opposé, le peuple tunisien se trouve tiraillé. Nous l’accusons d’égoïsme et de manque criard de conscience, il n’en demeure pas moins, que le comportement reste inchangé. Les rassemblements se poursuivent, l’absence du port du masque s’enchaîne, et il n’en est pas moins des embrassades et autres faits de tendresse. A dire vrai, une frange du peuple, probablement minoritaire, s’adonne à bras le corps à appliquer les gestes barrières. Cette frange se plaît à être le citoyen modèle.
Tu m’appelles mais je ne t’entends pas…
Les appels à la prudence retentissent tels les cloches d’une église dans une terre d’islam! Rien n’y fait! Les chiffres suivent une courbe ascendante, le nombre des cas de Covid-19 positif se multiplient; et le gouvernement commence à baisser les bras. Les hôpitaux publics et même les cliniques privées annoncent une saturation au niveau des lits de réanimation et d’oxygène. Les agents de la Santé, toutes catégories confondues, crient au manque cruel d’équipement! Ils se mettent en danger ! Ça court dans tous les sens! Le fait est là : la situation est aux abords du danger indéniable, le gouvernement a l’air d’avoir d’autres chats à fouetter, et le secteur de la Santé publique se trouve complètement démuni.
Qui a volé l’orange?
La première question qui nous saute à la figure : où est passé l’argent des dons faits au nom du 1818? Des milliards de dinars ont été accordés aussi bien par le peuple que par des entreprises privées et autres organisations internationales. Mais, les gens de la Santé publique le confirmeront : aucune action notoire de renforcement des équipements des hôpitaux ni des ressources humaines n’a été apportée. L’objectif même de la campagne de dons n’a clairement pas été atteint. Encore une supercherie de la part de ceux qui tiennent les commandes. Trop facile alors de jeter la responsabilité sur le simple citoyen qui, dans une large tranche, est démuni des moyens de protection contre le virus. Qu’a fait le gouvernement pour protéger son citoyen, à juste titre? Rien, nada! Ah si, il lui a dit “je compte sur ta prise de conscience pour te protéger, maintenant va, que Dieu soit avec toi!” Au final, le citoyen a en face de lui, un gouvernement quasiment irresponsable vis-à-vis de ses devoirs et de ses obligations civiques. Le gouvernement, de son côté, se dit se heurter à un citoyen qui manque encore de conscience, il est vilain! En attendant d’en finir avec ce jeu malsain de qui est coupable de la propagation du Coronavirus. En attendant de finir de se passer la patate chaude, des gens continuent de tomber malade, d’autres à mourir! Triste constat! L’économie s’étouffe, et elle n’est pas au bout de ses peines, le citoyen ne sait plus où se donner de la tête : entre combattre le virus du Covid-19 et le virus de la pauvreté.
Et maintenant, qu’allons-nous faire?
Le gouvernement n’a d’autres solutions que d’assumer pleinement ses responsabilités et mettre les petits plats dans les grands s’il le faut. Qu’il nous mette sur la table l’argent des dons et annoncent une batterie de mesures axée essentiellement sur le renforcement des équipements et le recrutement d’agents de la Santé afin de faire face à une deuxième vague, plus coriace de ce fichu virus! Il suffit de cette immaturité dans la gouvernance des choses publiques et de l’Etat! Le moment est sérieux et historique. Que ce gouvernement soit un vrai guerrier au front, car, pour dire vrai, il n’a pas réellement d’autre choix! Puis, il va falloir rompre avec la stratégie -si tant est qu’il y en est une- de communication actuelle. Les mêmes figures, les mêmes discours, les mêmes “grimaces”! Cela a le même effet que celui que peut avoir un médicament, trop pris, il n’a plus d’impact sur le corps.
Nadya Bchir
∗ Le titre est inspiré du roman de Yasmina Khadra, L’outrage fait à Sarah Ikker.
Crédit photo : Fethi Belaid/AFP
Written by: Hajer Zaire