Express Fm vous présente le document élaboré par la présidence du gouvernement et détaillant les réformes que l’Etat tunisien compte mettre en place pour inscrire l’économie tunisienne dans la nouvelle mouvance mondiale.
Ce document, qui sera bientôt soumis au FMI, a été élaboré selon une approche participative par 80 hauts responsables de l’Etat réunis pour la première fois et répartis sur 10 groupes de travail, pour préparer un Programme de réformes tuniso-tunisien.
Ce programme comporte près d’une centaine de mesures visant à restaurer la crédibilité et la stabilisation de la macroéconomie.
Contexte global
Une économie fragilisée
Ce programme s’inscrit dans un contexte économique marqué par l’instabilité politique, les tensions sociales, le déclin de l’investissement, la perturbation de la production du phosphate, ainsi que la hausse du taux de chômage. La situation s’est empirée avec la crise sanitaire, ayant paralysé le pays et fortement impacté le tissu économique de plus en plus fragilisé.
Un tissu économique déjà mis à mal, notamment, en raison de la hausse des prix internationaux des matières premières, la baisse de l’offre et les impacts du stress hydrique sur les prix des produits agricoles.
Sur un autre plan, cette année a été marquée par le creusement du déficit courant qui a atteint des niveaux sans précédent, et ce malgré la légère amélioration enregistrée depuis 2019.
La dégradation de la situation des finances publiques
La masse salariale s’est multipliée par trois en 10 ans en Tunisie à cause de la politique de recrutements massifs, les promotions exceptionnelles, les augmentations spécifiques et la hausse des salaires non-concordantes avec l’évolution de la production. De ce fait, la masse salariale accapare aujourd’hui près de la moitié des ressources totales de l’Etat.
A côté de la multiplication de la masse salariale, les charges de subvention pèsent de plus en plus lourd sur les finances publiques. Le budget de l’Etat a absorbé, ces dernières années, les fortes fluctuations des prix internationaux. Les entreprises publiques s’acharnent pour survivre en dépit de leur situation financière alarmante.
D’ailleurs, la situation financière des entreprises publiques est l’un des points phares des réformes structurelles programmées. Cette situation s’explique, entre autres, par la mauvaise performance des entreprises publiques, l’inefficacité de la politique de tarification, la détérioration de la qualité des services publics, et la hausse des transferts (prise en charge des garanties, augmentation de capital…)
Le risque d’insoutenabilité de la dette publique tunisienne est avéré, avec le recours massif à l’endettement, les difficultés d’accès aux ressources d’emprunt extérieur et intérieur, puisque la mobilisation de financement extérieur est conditionnée par la conclusion d’un accord avec le FMI.
Vu l’ampleur de la crise économique, la fragilité de la situation des finances publiques, la baisse du taux de croissance et la dégradation de la notation souveraine de la Tunisie, la maîtrise urgente des dérapages budgétaires s’impose pour voir le bout du tunnel. L’engagement de toutes les parties prenantes est ainsi le garant du sauvetage de l’économie nationale.
Les réformes proposées pour corriger la trajectoire
La réussite de ce programme de réformes passe par la détermination des causes d’échec des anciennes réformes à travers l’identification des contraintes à la mise en œuvre des réformes, l’élaboration des composantes desdites réformes, la mise en cohérence et l’identification des synergies avec les autres réformes.
Un plan d’action clair et engageant pour toutes les parties intervenantes doit être mis en place avec un calendrier détaillé et des indicateurs de performance.
En outre, il convient d’identifier les entraves, accélérer la mise en œuvre des mesures de réformes programmées. accorder la priorité absolue aux réformes de stabilisation budgétaire et garantir une meilleure transparence et renforcer le pilotage des réformes.
Élan de réformes
Pour inscrire l’économie tunisienne dans la nouvelle mouvance mondiale, la Tunisie doit porter l’élan de réformes économiques, financières et structurelles à travers:
Le regain de confiance et l’impulsion de l’investissement privé
La restructuration de l’administration et des entreprises publiques pour qu’elles soient performantes et au service de l’économie
Le renforcement de la digitalisation
La lutte contre la corruption
L’inclusion sociale, économique et financière.
Un programme structuré autour de 4 piliers et 3 leviers
Le programme de réforme proposé par la Tunisie est structuré autour de 4 piliers et 3 leviers.
Les 4 piliers :
1- La politique budgétaire
La masse salariale
Les mesures proposées : 2022-2024
Gel des salaires.
Programme de Retraite anticipée
Programmes de départs volontaires
Mobilité vers le secteur privé
Prolongation de congés pour création d’entreprises
Les objectifs :
Maîtriser le dérapage de la masse salariale et assurer une trajectoire baissière afin de dégager un espace budgétaire pour les dépenses sociales et l’investissement public
Professionnaliser la gestion des RH et rationaliser les effectifs et la rémunération dans la fonction publique.
Les subventions
Ces mesures concernent la subvention des produits de base et la subvention des produits énergétiques.
S’agissant de la subvention des produits de base, ces mesures visent à mieux cibler les dépenses sociales et à alléger les charges de la compensation.
Pour l’année 2022, la Tunisie œuvrera pour assurer le contrôle des circuits de distribution des produits de base et la réduction du nombre de bons d’essence pour les emplois fonctionnels.
A partir de 2023, une plateforme d’inscription et de gestion des transferts et ciblage sera mise en place.
Quant aux produits énergétiques, la Tunisie va adopter certaines mesures qui concourent à la levée progressive de la subvention pour atteindre la vérité des prix à l’horizon de 2026, tout en préservant les couches sociales vulnérables.
Parmi ces mesures :
L’application du mécanisme d’ajustement automatique des prix des produits (Gasoil SS, Gasoil Ordinaire et Essence) à un taux de 3% au lieu de 5%
L’établissement de la procédure et la mise en place d’une commission pour l’ajustement automatique des prix pour Electricité et Gaz.
La mise en place d’une autorité de régulation
La finalisation de la plateforme de ciblage pour le GPL et levée progressive de la subvention
Fiscalité
Les mesures : 2022-2026 :
La dématérialisation des services aux contribuables
La modernisation de l’administration fiscale et généralisation de la digitalisation
Opter pour une fiscalité en faveur de la croissance inclusive et durable, de l’investissement et de la transition énergétique
Garantir une meilleure maîtrise du tissu fiscal, la lutte contre l’informalité et l’amélioration de la gestion du régime forfaitaire
Les objectifs :
Améliorer les capacités de l’État à collecter ses ressources par l’amélioration du recouvrement et la promotion de la digitalisation de l’administration fiscale
Favoriser une fiscalité plus juste et plus transparente stimulant l’investissement privé, l’économie durable et inclusive et garantissant une meilleure visibilité aux opérateurs économiques à moyen et long terme.
Entreprises publiques
La réforme des entreprises publiques s’articule autour de 4 axes :
1er axe : La restructuration des entreprises publiques :
Engager des cabinets externes pour effectuer des missions d’audits des arriérées
Conversion/abandon des dettes publiques
2ème axe : le désengagement de l’Etat des activités non stratégiques :
Refonte de la stratégie actionnariale de l’Etat dans les entreprises publiques et mettre en œuvre une stratégie de PPP
Initier la restructuration des filiales des entreprises publiques non stratégique (cession totale/ouverture de capital).
3ème axe : La réduction des risques des entreprises publiques à travers la cession des éléments d’actifs non nécessaire à l’activité de l’entreprise.
4ième axe : L’amélioration de la gouvernance :
La révision des modalités de nomination et de rémunération des dirigeants des entreprises publiques
La réévaluation des performances des administrateurs représentant les participants publics et des administrateurs indépendants
La révision du cadre légal et réglementaire de recrutement dans la fonction publique
Les mesures programmées à l’horizon de 2024
La définition d’un plan d’assainissement financier des entreprises publiques,
L’apurement des arriérés (engager des cabinets externes pour effectuer des missions d’audits des arriérées).
Le rééchelonnement des dettes bancaires dans le cadre d’un plan d’assainissement global et d’une revue de la politique tarifaire
La définir d’un plan d’assainissement social.
2- La politique financière
D’autres mesures ont été proposées dans le cadre de la révision de la politique financière touchant notamment :
Le renforcement de la solidité financière à travers :
La résolution des NPLs
L’habilitation des banques publiques à conclure des accords transactionnels
Le soutien des TPME
3- La politique monétaire de change
Les réformes proposées en matière de politique de change visent à simplifier, alléger, et harmoniser les dispositions de la réglementation des changes.
4- Réformes structurelles
Outre la lutte contre la corruption et l’ouverture extérieure, les réformes structurelles visent essentiellement à améliorer le climat des affaires et à assurer la transition écologique.
Le climat des affaires
L’amélioration de la proposition de valeur du pays dans le secteur de l’aéronautique, de l’industrie pharmaceutique, des TIC
La suppression de la seconde vague des autorisations et la révision du décret 389.
L’amélioration du climat des affaires passe par le renforcement de la concurrence en Tunisie à travers :
La réduction des barrières à l’accès et l’assouplissement des critères d’entrée restrictifs
La réalisation des investigations et des enquêtes de pratiques anticoncurrentielles
La sensibilisation des opérateurs économiques aux bienfaits de la concurrence loyale
Le renforcement de fonctionnement et des moyens des autorités de la concurrence
La transition écologique
La relance et l’opérationnalisation du Plan Solaire Tunisien
La définition des stratégies sectorielles des projets innovants dans les Energies Renouvelables
L’adoption d’une stratégie nationale de transition écologique permettant l’intégration de l’environnement dans les différentes stratégies sectorielles y compris l’appui à la gouvernance
La publication du nouveau programme quinquennal de Production des ER par le secteur privé au titre de 2022-2026.
L’incitation à la mise en œuvre des ER pour l’autoproduction (photovoltaïque social, industriels, bâtiments publics, etc.)
La mise en place d’un cadre réglementaire incitatif à la mobilité électrique
L’adoption du texte règlementaire pour la généralisation du tri auprès des hôtels, industries, établissements publics et scolaires
La promotion de la mise en place de projets dans le cadre des PPP pour encourager l’investissement privé dans la gestion des déchets solides
La mise en œuvre des objectifs de la Contribution Nationale Déterminée (NDC) relative au secteur des Déchets
Les 3 leviers :
Quant aux 3 leviers, il s’agit essentiellement de l’inclusion financière, de la digitalisatin et de la gouvernance.
1- L’inclusion financière
La mise en place d’un programme d’éducation financière
L’approbation de la loi sur la promotion de l’inclusion financière
La mise en place d’une base nationale de donnée sur l’inclusion financière
2- La digitalisation
La mise en place d’une identité numérique du citoyen
La Généralisation /démocratisation de la preuve numérique
La promulgation d’un texte sur le droit à la réutilisation de l’information publique
L’abrogation du code de télécom et la promulgation du Code numérique
L’opérationnalisation de la plateforme d’interopérabilité (BD Pub.)
SIRH et Dashboard RH fonction publique
La mise en place d’une infrastructure à très haut débit (généralisation de la Fibre Optique en vue de la préparation à la 5G)
La généralisation des App.Mobiles dans les structures publiques
Généralisation de la mise en ligne de services publics
3- La gouvernance
La mise en place et le renforcement du rôle des Instances de Lutte contre la corruption
La stabilisation à court terme et soutenabilité à moyen terme
Les principes généraux des leviers d’ajustement :
Préserver les couches sociales défavorisées et préserver le pouvoir d’achat.
Implémentation concertée et progressive de la réforme de l’ajustement des prix des produits de base et des produits énergétiques.
Implémentation concertée et progressive de la réforme des entreprises publiques.
Fiscalité plus équitable qui n’alourdit pas la charge fiscale sur les entreprises et les individus.
Libérer les espaces budgétaires pour renforcer les investissements publics en tant que levier de l’investissement privé.