Chiffre du jour : 60 Mds de dinars, tel est le montant global des dépenses des ménages tunisiens sur une année, soit près de 50% du PIB ce qui est conforme à ce qu’on voit dans beaucoup de pays. Déclinées par individu, les dépenses annuelles de chaque Tunisien reviennent à environ 5000 dinars, soit près de 20 000 dinars par ménage par an en moyenne, correspondant à un montant de dépenses mensuelles de l’ordre de 1700 dinars par mois par ménage.
Ce montant et le rythme de son évolution par rapport à l’inflation, sont à surveiller de près car ils conditionnent la paix social dans notre pays.
Le dernier baromètre SIGMA de l’état de l’opinion des Tunisiens nous apprend que 60% de ceux-ci considèrent que la situation financière de leurs foyers s’est dégradée comparée à celle de l’année dernière, mais ils sont 52% des Tunisiens qui pensent qu’elle va s’améliorer dans un an. Cet indice composite de confiance des ménages indique qu’on est dans le creux de la vague, typique d’une situation instable (واقفين على البلّار).
Maintenant voyons voir comment ces dépenses des ménages peuvent être couverts par les Tunisiens à date : On a 22 Mds de salaires pour les fonctionnaires, près de 20 Mds proviennent des compensations et subventions de l’Etat et autres transferts sociaux tels que l’allocation sociale mensuelle de 300 dinars offerte à près de 250 000 foyers nécessiteux, etc., rajoutons à cela les 8 Mds de transferts du travail des Tunisiens Résidents à l’Etranger et les 20 Mds de revenus des salaires du secteur privé… on obtient plus que les 60 Mds de dépenses garantis par un système « généreux » qui cache les problèmes de productivité et d’équilibre des finances publiques.
En cas d’incapacité de l’Etat à collecter les fonds localement car le système bancaire est saturé par trop de BTA, avec son corollaire négatif d’effet d’éviction, ou les billets de trésorerie collectés par l’Etat ci-et-là chez les grandes entreprises tunisiennes, la planche à billets peut fonctionner, son effet inflationniste serait différé le temps de la consommation de l’argent supplémentaire injecté dans l’économie, c’est à dire quelques mois…
La manne du FMI est très utile afin de relancer la machine, ramener d’autres financements et aides de l’étranger mais aussi baisser le spread, c’est à dire le coût de l’endettement extérieur tunisien. Il n’est pas recommandé de faire baisser la masse salariale du secteur public en l’absence de filets sociaux, de revenus minimums garantis… mais plutôt tabler sur la création supplémentaire de richesses à répartir, on parle ici de nécessité de croissance…
Il est recommandé en revanche des réformes qui s’échelonneraient sur 10 ans plutôt que 5 ans comme en 1986 afin de garantir la paix sociale car la situation est différente caractérisée par un affaiblissement de l’Etat comparé à la période 1987-1992, l’année 92 où l’économie a crû de plus 8%.
Par ailleurs, et à propos du calme de la rue tunisienne qu’on constate depuis quelques temps, il peut se prolonger à coup d’élections car elles ont un effet euphorisant, les gens portent un espoir renouvelé à chaque scrutin, a juste titre ou pas. La popularité, qui dérange une grande partie de la classe politique, du président de la république, a pour effet aussi de calmer cette rue où on voit très rarement des pneus brûlés depuis un certain temps.
Au final, il nous faut donc augmenter le PIB du pays au lieu de baisser notre train de vie, car le Tunisien n’est pas habitué aux contraintes au niveau de ses dépenses, il n’aime pas non plus les pénuries car il n’y est pas habitué…
Il nous faut produire plus et mieux. Et pour ce faire, au delà de l’assainissement du climat des affaires, il faut donner un message clair aux entrepreneurs pour qu’ils aient confiance, pour que la machine de l’investissement reprennent, pour garantir le pain de demain, ce même pain qui ne doit en aucun cas voir son prix augmenter… car cela risquerait d’enflammer la rue si on y touche ! Dans ce cadre, on attend toujours un message apaisant et mobilisateur de la présidence qui, s’il tarde trop les conséquences seraient dévastatrices à moyen terme…
Le débat doit être lancé avec sérénité et sagesse en prenant en compte les impératifs macro et microéconomiques mais aussi l’opinion des Tunisiens, leur nature profonde ainsi que la sensibilité du Tunisien pour certains produits de grande nécessité (pain, pâtes, bouteille de gaz, pomme de terre,….). Tout est important pour bien décider et agir efficacement !